Île-Saint-Jean – 1720-1758
La présence des Acadiens et des Français à l’Île-du-Prince-Édouard remonte au début des années 1700 quand l’île était connue sous le nom d’« île Saint-Jean » par les gens d’origine européenne. Mais l’île n’était pas inhabitée à leur arrivée. Elle était peuplée depuis très longtemps par une communauté du peuple mi’kmaw. Ils appelaient l’île Kjiktu’lnu, qui signifie « notre grand bateau », et Epekwitk, qui veut dire « bercé par les vagues ».
La France décide de développer une colonie sur l’île Saint-Jean après avoir perdu l’Acadie aux mains de l’Angleterre en 1713. Les premiers colons de France et d’Acadie arrivent en 1720. Ceux de France deviennent surtout pêcheurs de morue, alors que les Acadiens s’établissent surtout comme fermiers.
La population de la colonie n’augmente pas vite. Vingt-huit ans après l’arrivée des premiers colons, la population insulaire d’origine acadienne et française est seulement de 735 personnes. Mais elle explose après 1748, quand de nombreuses familles de la Nouvelle-Écosse, que les autorités britanniques menacent de déporter, viennent s’établir sur l’île. En l’espace de six ans, la population augment à environ 3000 personnes. De nombreuses autres familles acadiennes se réfugient sur l’île quand commence la Déportation en Nouvelle-Écosse en 1755.
La colonie connaît une triste fin en 1758. Après leur conquête de la forteresse de Louisbourg sur l’île Royale (Cap-Breton) pendant la guerre de sept ans, les Britanniques prennent possession de l’île Saint-Jean. Une grande partie de la population est déportée en France, et un bon nombre de famille se réfugient sur la terre ferme. Grâce à quelques familles qui réussissent à demeurer sur place, la présence acadienne se poursuit sans interruption sur l’île. Cette dernière devient officiellement une colonie britannique par le traité de paris en 1763.
Un long recommencement – 1759-1860
La Déportation des Acadiens de l’île Saint-Jean en 1758 entraîne l’éparpillement de la population aussi loin qu’en France, dans les Antilles et en Louisiane. Parmi les familles acadiennes qui évitent la Déportation, un bon nombre se rend dans des camps de réfugiés près des rivières Ristigouche et Miramichi, mais quelques-unes réussissent à demeurer sur l’île.
Au cours des années qui suivent, plusieurs familles reviennent s’établir à l’île. Elles doivent alors s’adapter à la vie dans une colonie anglophone sous un gouvernement britannique et protestant. Le plus gros problème qu’elles rencontrent est celui des terres. Ces familles acadiennes ne peuvent pas réclamer la possession de leurs anciennes terres.
Sous la gouverne de l’Angleterre, l’île est divisée en 67 cantons (ou lots). Ces cantons sont attribués à des hommes d’influence de la Grande-Bretagne avec la responsabilité d’y établir des colons comme locataires. Les Acadiens qui veulent s’établir comme fermiers doivent donc louer des terres de ces grands propriétaires.
Ce système terrien cause beaucoup de problèmes aux Acadiens, tout comme aux colons qui viennent d’Écosse, d’Irlande et d’Angleterre. À quelques reprises, des familles acadiennes incapables de payer la rente doivent abandonner leurs terres et recommencer le défrichage ailleurs, et même à l’extérieur de l’île. La population acadienne est alors divisée en petits groupes éparpillés d’un bout à l’autre de l’île.
Les Acadiens réussissent à vivre grâce à l’agriculture et à la pêche, mais aussi comme bûcherons, navigateurs, et charpentiers. Gens pour la plupart illettrés, ils constituent une communauté véritablement à part des autres gens de l’île par leur identité francophone et catholique. D’ailleurs, ils se marient rarement avec des gens qui ne sont pas acadiens.
Les autres Insulaires les considèrent comme de très bons travailleurs qui sont heureux et contents de leur sort. Mais en même temps, ils les perçoivent comme une classe de gens inférieurs sans éducation et qui se rattachent à leurs vieilles traditions.
Des changements commencent à se produire dans la communauté acadienne au début des années 1800 avec l’ouverture de quelques écoles. On voit alors apparaître de jeunes hommes qui deviennent des enseignants. En 1854, un d’eux, Stanislaus F. Perry, de Tignish, est élu à l’Assemblée législative de l’Île. C’est un signe que les Acadiens de l’île commencent à sortir de leur isolement et à prendre leur place dans la vie publique.
Un grand réveil – 1861-1960
Comme dans l’ensemble de la communauté acadienne des Provinces maritimes, d’importants changements commencent à se produire chez les Acadiens de l’Île au cours du milieu des années 1800. Plusieurs institutions qui favorisent le développement de cette communauté sont mises sur pied. Une petite classe dirigeante et instruite se forme et commence à mettre en œuvre des initiatives importantes pour la communauté acadienne.
Le nombre d’école publiques se multiplient. Des couvents-écoles privés pour filles, sous la direction des religieuses de la Congrégation de Notre-Dame de Montréal, ouvrent dans quelques paroisses acadiennes. Plusieurs garçons poursuivent leurs études dans les collèges. On voit aussi apparaître des institutions pour soutenir le développement économique, comme la Banque des fermiers de Rustico. C’est aussi l’époque où des jeunes hommes acadiens se lancent dans les affaires.
En 1881, les Acadiens de l’Île participent à la première Convention nationale des Acadiens à Memramcook, au Nouveau-Brunswick, pour discuter de l’avenir du peuple acadien. C’est à cette occasion qu’on se choisit une fête nationale, la Notre-Dame-de-l’Assomption célébrée le 15 août. La deuxième convention se déroule à Miscouche, en 1884. Durant cette rencontre, on discute entre autres de l’importance de l’éducation française pour assurer la survivance de la langue française dans la province. À ce même congrès, le peuple acadien se choisit un drapeau, un hymne national et une devise, « L’union faire la force ».
Dans les années qui suivent, plusieurs initiatives sont prises pour dynamiser la communauté acadienne de l’Île. Sont alors créés l’Association des instituteurs acadiens de l’Île-du-Prince-Édouard, le journal L’Impartial et la Société Saint-Thomas-d’Aquin.
Malgré tous ces efforts, il s’avère très difficile de conserver la langue française dans toutes les communautés acadiennes. En plus du système scolaire qui donne peu de place au français, de nombreuses familles acadiennes partagent leurs villages avec des familles anglophones. Un bon nombre d’Acadiens déménagent dans les villes anglophones de Charlottetown et de Summerside pour se trouver du travail et, en général, la langue française est très peu appréciée par la population de l’Île. Tout cela motive des Acadiens à s’angliciser pour mieux s’intégrer dans la société insulaire.
Pendant longtemps, l’identité acadienne demeure quand même forte dans un grand nombre de familles et de villages, surtout jusqu’au milieu des années 1900. Avec l’arrivée de la radio et de la télévision, de l’automobile, de l’électricité et de l’asphaltage des routes, les communautés acadiennes deviennent de moins en moins isolées et de plus en plus ouvertes au monde anglophone. Tout comme la langue française, plusieurs des anciennes traditions acadiennes se perdent.
En 1955, de grandes manifestations patriotiques ont lieu partout en Acadie pour souligner le bicentenaire de la Déportation de 1755. Ces événements rappellent aux Acadiens leur histoire et l’importance de conserver leur identité, leur culture et leur langue. Parmi les retombés de ce bicentenaire, mentionnons la création en 1955 de la Société historique acadienne de l’Île-du-Prince-Édouard et l’ouverture de l’École régionale Évangéline en 1960. Ils annoncent en quelque sorte un autre réveil important chez les Acadiens de l’Île-du-Prince-Édouard.
Des années de grands changements – 1961-2020
Depuis les années 1960, l’Île-du-Prince-Édouard subit de très grands changements du point de vue social, culturel et économique. On peut dire qu’un nouveau vent souffle sur l’île et, en particulier, sur la communauté acadienne. Plus que jamais, on valorise la langue française et la culture acadienne.
Afin de stimuler le développement économique et la modernisation de la province, le Plan de développement de l’Île-du-Prince-Édouard est développé et financé conjointement par les gouvernements fédéral et provincial. Ce plan de centaines de millions de dollars est mis en œuvre en 1969 et contribue largement à moderniser le système scolaire, à diversifier l’économie et à augmenter les services gouvernementaux. Le standard de vie des gens de l’île s’améliore de beaucoup.
En 1969 également, le Parlement canadien adopte la Loi sur les langues officielles qui institue le français et l’anglais comme langues officielles du Canada. Le gouvernement fédéral met alors en place des programmes pour encourager et soutenir le bilinguisme des Canadiens et Canadiennes et pour appuyer les communautés linguistiques minoritaires. La communauté acadienne se tire vite profit de ces programmes. Le gouvernement fédéral reconnaît la Société Saint-Thomas-d’Aquin comme l’organisme porte-parole de la communauté francophone de l’Île. Il lui accorde du financement pour qu’elle puisse mieux travailler à l’épanouissement de la vie francophone sur l’île.
La Société Saint-Thomas-d’Aquin met les bouchées doubles pour donner aux Acadiens et francophones de l’île les instruments nécessaires à son développement. Elle aide à mettre sur pied de nombreuses associations culturelles, éducatives et économiques qui contribuent à renforcer la vie francophone dans la province. L’établissement de six centres scolaires-communautaires comptent parmi les accomplissements les plus importants.
Au fil des ans, on observe aussi une transformation majeure au niveau de la population de l’île en général. Les grandes familles disparaissent, l’âge moyen des insulaires augmente, le nombre de personnes gagnant leur vie dans les industries de la pêche et de l’agriculture diminue, la population des campagnes décline au profit des villes et la pratique religieuse baisse.
Depuis la fin des années 1960, la population de l’Île-du-Prince-Édouard se diversifie de plus en plus du point de vue ethnique avec l’arrivée à l’île de gens de nombreux pays. Ainsi, la communauté francophone, composée presque uniquement d’Acadiens originaires de l’Île, s’enrichit continuellement de francophones provenant de nombreux pays, mais aussi en provenance des autres provinces canadiennes.
Nous remercions le ministère de l’Éducation et de l’Apprentissage continu de l’Île-du-Prince-Édouard qui nous a permis d’utiliser ce texte tiré de L’Acadie de l’Île-du-Prince-Édouard, 300 ans d’histoire par Georges Arsenault et Linda Lowther et publié en 2021 par Chenelière Éducation.